Urbex – La Clinique du Diable
Voilà un urbex réalisé récemment en Alsace dont je voulais vous parler, car il était assez impressionnant. Impressionnant de par la taille du site, mais aussi par sa transformation dégradation rapide.
La découverte
Avec un collègue, nous avons trouvé des photos d’une clinique abandonnée sur un blog, « La Clinique du Diable » étant son petit nom. Débutant dans l’urbex, j’avais une grande envie de réaliser des photos dans ce genre de lieu. J’imaginais un décor comme on en voit dans les films, avec des salles d’opérations et tout le matos. Hélas les photos avaient l’air de montrer quelque chose de plus tranquille, avec une salle à manger, une bibliothèque, un salon de coiffure… Bref, cela ressemblait plutôt à une maison de retraite améliorée. Qu’à cela ne tienne, mon envie d’explorer un lieu ayant quand même l’air intéressant l’emportait, et même si cela se situait un peu loin de chez moi : un total de 500km, 5h de route, 642 photos.
L’arrivée
J’ai toujours une appréhension sur le lieu d’urbex que je vais aborder. Est-ce qu’il sera encore possible d’y entrer ? Sera-t-il surveillé au moment où l’on y sera ? Cela aurait été dommage de faire autant de route pour rien… Un peu perdu et isolé en haut d’une montagne, à quelques 1.000 mètres d’altitude, on ne devrait au moins pas craindre d’être vus. Finalement, personne. Ouf ! La barrière est ouverte et nous rentrons directement en voiture sur le site. Le complexe est énorme ! Quatre bâtiments et une maison isolée. On se dirige vers le premier, qui semble être le bâtiment principal. Une fois entrés, le constat est immédiat : le lieu a bien changé depuis les photos que l’on a pu voir ! Tout est cassé, explosé, défoncé. Vraiment tout. Pas une vitre, meuble, accessoire ou document n’est intact. Nous continuons en montant au premier étage, où nous débarquons sur une bibliothèque. Enfin, ce qu’il en reste. Toutes les étagères ont été renversées, et tous les livres – encore en bon état – étalés au sol… Dire que la clinique a fermé il y a seulement un an et demi, et que le lieu quelques mois auparavant était radicalement différent… Notre progression dans le reste du bâtiment sera ainsi un continuel constat similaire. On ne peut s’empêcher de penser que du matériel aurait pu être sauvé et récupéré, que le lieu aurait pu avoir un autre avenir et servir à quelque chose, mais son abandon total l’a mis rapidement dans un état où il n’est plus possible de « restaurer ». Un point de non-retour… Et l’établissement comprenait même une chapelle, une piscine, un gymnase… Les bibles sont encore là, dans le meuble à l’entrée, le piano au fond de la pièce – peut-être la pièce la plus intacte du site. Restait-il une once de respect aux gens qui ont perpétré tout cela ? Un autre aspect que je trouve personnellement étrange, ce sont les documents qui ont été laissés sur place. Détails des comptes bancaires, conseils d’administrations, rapports, dossiers des patients, radiographies, des tas de disquettes… enfin tout quoi. Des informations personnelles, peut-être même confidentielles, du jour au lendemain ignorées et passées dans l’oubli, dans le passé. Nous sommes finalement arrivés au cinquième et dernier étage, un peu dépités par l’ampleur du désastre que l’on a pu voir. Rien d’intact, nous ne nous attendions pas à un tel choc. Au passage, la vue des chambre donnant sur la vallée est superbe. Direction la maison isolée puis dans le reste du complexe qui ne semble pas être « médical ».
Une maison solitaire
La maison est située en hauteur du site, accessible via des escaliers nichés dans les arbres. Isolée, elle est peu visible du bas du site. Probablement l’ancien habitat du chef de cet établissement ? Qui sait. C’est une petite maison de deux étages, mais tout est vide à l’intérieur. Saccagée ? Non. Juste vidée, et à peine taguée. Elle est froide, et semble inhabitée depuis bien plus longtemps que la clinique même.
Habitations & utilitaires
Voici comment je pourrais résumer cette deuxième partie du complexe de la clinique. Les deux premiers bâtiments accolés ne sont qu’une série de petites pièces, reliées par d’interminables couloirs, et l’on s’y perd facilement. Nous entrons par le garage, qui est une grande pièce sombre avec quelques puits de lumières qui créent une atmosphère que j’aime beaucoup. Abandonné au milieu, un vieil appareil pour laver le sol, ainsi qu’une bobine de film ! Au bout de ce garage se trouve un atelier, vraisemblablement où ils réparaient des véhicules, changeaient les pneus, faisaient le plein d’essence… les huiles et produits jonchent encore le sol, à proximité d’une vieille pompe Elf. Étrange pour une clinique. Une fois dedans, ce sont des pièces très diverses qui se découvrent à moi : lavoir pour la draperie, atelier couture et créatif, salons, puis un ensemble de pièces réservées à l’administration et de chambres. Des chambres un peu comme les 9m² étudiants des cités universitaires. Parfois vides, parfois encore avec leur lit et meubles, certaines ressembles à de gros débarras d’affaires. On peut imaginer en pérégrinant dans ces pièces toute la vie et l’animation qui pouvait y régner, toutes les activités qui pouvaient s’y dérouler, et tous les moments de tristesse aussi. L’escalier principal permet de monter jusqu’au grenier, où règne une chaleur importante et une odeur particulière. L’obscurité est présente par endroits, et la lumière qui y pénètre intense. En fouillant là dans de vieilles archives, nous sommes même tombé sur un Journal des admissions datant de 1929.. . ! Cette deuxième partie du complexe est en bien meilleur état que la première en ce qui concerne les dégradations, mais on sent le vécu de certaines choses, des murs complètement moisis, délabrés… Il est difficile de retracer clairement l’histoire de ce lieu, et la façon dont il a été abandonné. Au détour d’une pièce, je tombe aussi sur des objets appartenant à un ancien photographe : quelques magazines Chasseur d’images de 1980, et de vieilles pellicules noir et blanc Kodak TriX Pan. Pour terminer cette visite, le dernier bâtiment, un immeuble assez classique comportant des appartements d’environ 20 à 40 mètres carrés. Eux aussi, presque tous vidés. Dans une pièce je tombe sur du café moulu et des banderoles syndicales disant « Non à la délocalisation », le quartier général de la dernière lutte ayant essayé de faire survivre cette clinique d’autrefois…
Annexes
La plupart des photos ont été réalisées au Samyang 14mm f2.8, objectif que j’ai acquis spécialement pour mes sorties Urbex. Et il joue son rôle à merveille !
Je vous invite aussi à jeter un oeil à un article de blog montrant la clinique avant d’être vandalisée.